Danser avec Malaïka (1991-2013)

Un  philosophe disait :  Il faut danser la vie...

La danse m'a appris à vivre. J’y rencontre moi-même et j’y rencontre aussi l'autre...

 

A  travers l'Equilibre en mouvement, 

j'ai appris l'espace, l'énergie, le rythme, le mouvement.

J'ai fait l'expérience de la création, du vide, des limites, de la terre et du vent. 

Au début, il y avait ce corps que je ne ressentais pas, un corps lourd auquel

je ne faisais pas confiance. Pourtant lui et ses besoins étaient là.

Mais de quoi avait-il  besoin pour d’exister? de bouger, de se reconstruire?

A l’époque, je venais de terminer une formation à l'éducation de la petite enfance

qui souligne l'importance d’une approche corporelle, travailler avec l'autre  met 

toujours en résonance avec ce que nous sommes ou avons vécu... 

   

J'ai des souvenirs angoissés des séances de gym à l’école. Une matière pour

laquelle j'avais le plus de difficultés et  les notes les plus mauvaises.

Je n’arrivais jamais à m'améliorer. Je crois qu'il m'aurait fallu être accompagnée

par quelqu’un comme Malaïka qui m'aurait appris à me faire confiance 

et à faire confiance à mon corps. 

 

Pendant des années, j'ai plutôt ressenti une impression de culpabilité

et une sorte de fatalisme. C’est ma faute si je n’y arrive pas.

Je pensais qu’être bien avec son corps provenait d’une chose innée.

Ce sentiment est probablement lié au vécu de mes parents.

Et les miens comme beaucoup d'autres ne m’ont  pas transmis l'importance 

de prendre soin de soi, de son corps, de même que le plaisir réservé 

à une activité physique. C'était  trop cher, ce n’était  pas pour nous. 

 

C’est  avec ce bagage que je me suis retrouvée à 22 ans devant le miroir

d’une salle de danse. Au départ, danser me sembla une sorte de blasphème.

La danse avait pour moi, une valeur de grâce, quelque chose très fin, léger, blond. 

Et moi, Je ne savais pas comment bouger. J’étais obèse. J'ai toujours essayé 

de cacher mon corps en prenant des postures qui me permettait de cacher

ce que je ne voulais pas montrer  et qui soulignait plus encore mon mal-être. 

Moi? Danser? Une copine m'avait dit que Malaïka ouvrait un nouveau cours de danse.

 

Danser? une petite voix murmurait que j'avais besoin de faire quelque chose.

Même que je venais de prendre un abonnement dans un fitness dans lequel,

je n'étais plus retournée - en fait j'ai horreur des fitness. Ce  sont des lieux  

trop  branchés sur la performance et la comparaison.

 

Il a fallu commencer à bouger. Quelle prise de tête !!! 

Au début, je bougeais avec la tête! 

Elle prenait tout l’espace  et surtout toute l'énergie. ce fût difficile de bouger...

je me sentais lourde, gauche, désarticulée. 

 

C'est par l'imitation que j'ai pu avancer dans ce travail. Comme un petit enfant

qui veut faire comme les grands. J'essayais de refaire les mouvements.

Je pense que l'imitation est très importante, elle me permettait de moins réfléchir

avec la tête et d'être ainsi plus attentive à mon corps. Encore maintenant, je procède

de cette manière mais c'est plus subtil. Au début, imiter signifier regarder l'enseignante

et suivre le mouvement de manière mécanique mais peu à peu...c'est comme

si mon corps était accordé à la même fréquence que le corps des autres.

 

Ainsi, le mouvement devient ainsi plus fluide. Mon corps a pris connaissance 

de l'essence du mouvement,  il n'est plus déstabilisé. C'est comme une danse continuelle. 

Je vois la vie avec des rythmes, des pulsations, des départs, des pauses,

des allers-retours,  du mouvement... 

 

Les premiers temps...

Le mot temps est un mot significatif. Son importance se situe dans la notion

de processus et son apprentissage se dévoile progressivement en dansant. 

Qu'est-ce que le temps? Nous l'avons découpé en secondes, en minutes en heures... 

 

En danse, j'apprends à vivre le geste dans toute sa durée. Que celui-ci soit court ou longs. 

Quand je prends le temps de vivre un geste, de l'habiter, de le dérouler, de m'étirer, de respirer,

le temps s'étire et se déroule aussi.

 

De même que bouger consciemment à un rythme très soutenu, fait vivre beaucoup de "choses"

en peu de temps. Au début, cependant cette notion n'était pas consciente.  

 

Maintenant, dans ma vie, le temps qui passe me fait plus peur. 

Les périodes de calme  sont des périodes très vivantes. C'est comme un étirement.

Si je respire, je suis consciente. Mon corps et mon esprit se déroulent en même temps

que le bras que j'étire. Par la danse, j'ai découvert comment je peux vivre le calme.

Vivre le moment présent, avant cette phrase me semblait importante

mais elle n'était pas encore vécue comme elle l'est maintenant.

 

Les autres et moi, moi et les autres

La danse, c'est aussi est une rencontre avec l'autre. Je suscite quelque chose

chez l'autre et l'autre suscite quelque chose chez moi. 

Je danse avec mon corps, mon esprit et mes émotions. 

Mais la rencontre n'est pas allée d'elle-même. Il m'a fallu prendre confiance en moi.

Sentir que ma danse suscitait chez l'autre une résonance positive. 

 

Danser signifie savoir rester soi et être en relation avec l'autre. Il faut accorder les rythmes, l'énergie tout en restant soi et par les gestes, les mouvements, le regard, une complicité s'installe...On peut se perdre et se retrouver. On peut s'imiter un instant et redevenir soi-même.

 

C'est important de ne pas rester figés.  Au début, que le fait de rencontrer le regard de l'autre

me donnait la sensation de dévoiler ma timidité et mes peurs. Peur de ne pas être acceptée,

peur qu'on se moque de moi, peur de ne pas réussir, peur de ne pas être originale ou intéressante mais tout cela a de moins en moins prise sur moi...

 

Le rythme

Lent, rapide, tourbillonnant...Le stop. Repartir et revenir... Les allers-retour... Dans l'apprentissage du rythme, tout passait au début que par la tête. J'essayais de calculer, de compter, de suivre, de trouver une séquence à laquelle pouvoir m'accrocher. Essayer de poser le pied au bon moment, tourner assez vite pour rattraper l'enchaînement. et peu à peu j'ai réussi à lâcher. A me faire confiance. me faire confiance c'est aussi faire confiance à son sens du rythme. Maintenant, le rythme donne de la consistance à ma vie. 

 

Le souffle

Respirer. Inspirer, expirer et aussi bailler, souffler, soupirer... 

J'ai appris la respiration consciente et j'apprend encore. Par l'apprentissage de la respiration,

j'ai grandi et je suis devenue légère et je peux me sentir rebondir comme un ballon.

Avant j'oubliais simplement de respirer, je restais suspendue en apnée alors que mettre de l'air dans son corps en faisant les mouvements rend le mouvement beaucoup plus facile,

plus vivant. Je respire entre les cellules, par les cellules. Je me sens traverser par le souffle.

Je peux le diriger vers des endroits impensables. Naturellement, je n'y arrive pas toujours,

je rencontre aussi mes blocages. Les premières 20 minutes d'échauffement du cours sont indispensables pour accorder son souffle. et j'essaye d'y penser dans la vie de tous les jours.

 

Lorsque je m'arrête pour respirer un moment, la situation change.

 Je permets ainsi à l'autre aussi de pouvoir respirer. Quand je travaille avec les bébés,

la respiration est un super outil pour rester calme et concentrée.

Elle me permet de ne pas me laisser prendre par les soucis de ne pas être adéquate,

et d'être vraiment présente avec le bébé, calme et rassurante... 

 

J'ai souvent observé que le changement dans ma respiration permettait au bébé de se calmer. 

 J'ai l'impression que la respiration accorde la rencontre avec l'autre. Ce n'est pas vraiment respirer au même moment mais c'est comme s'il y avait un accordage ou un lien qui se fait entre les deux respirations. Respirer c'est prendre et donner. Se remplir et se vider. 

 

Respirer consciemment me permet de rebondir.  

Rebondir sur le sol mais aussi, dans la vie...  T.A.