Malaïka, un guide de la liberté

Photo Martine Dutruit, Modèle Malaïka
Photo Martine Dutruit, Modèle Malaïka

J’ai d’abord observé avec attention ses mouvements, 

la manière dont son corps se mouvait, ses rythmes, ses expressions, ses trajectoires, infiniment ludiques

et variés. Malaïka a une façon de bouger sans contrainte, en résonance complète avec une riche palette de musiques. Ses mains interminables m’ont captivées. Elles sont comme capables de matérialiser l’air. Malaïka est une étoile qui vient vers nous pour nous redonner un peu de lumière et beaucoup de légèreté. Son naturel me redonne envie de retrouver 

le mien ainsi que mon plaisir de danser la Musique

en décrochant du mental...

 

Dommage que les danseurs manquent souvent d’humilité. La pauvreté morale des danseurs coincés dans leurs critères rend la danse accessible qu’à une certaine élite. Cela frustre autant les danseurs que les spectateurs. On ne sait plus comment bouger librement avec efficacité tout en respectant son corps. J’ai donc eu  envie de suivre Malaïka et ce qui me semblait  facile au départ fût loin d’être évident. Il m’a fallu d’abord rester attentive à ce corps connecté entre ciel et terre. J’ai eu parfois l’impression de faire le guignol mais je me suis imposée de continuer et de me libérer de mes références esthétiques uniformes. 

 

Avec Malaïka, c’est le lâcher prise... Le travail contraint du régime académique de la danse m’a essentiellement formée à  produire des formes représentatives. Le naturel est devenu difficile.

Mais c’est  aussi ma formation de danseuse qui me donne la possibilité de reconnaître le travail

de cette professeur hors norme.

 

Toute la base de la danse est là, essentielle... Elle s’associe autant à la beauté de la forme qu’à l’efficacité de ce qu’elle procure à l’intérieur de l’être. Toutefois pour faire cette expérience, 

il faut que la personne soit disponible à elle-même, à l’environnement, à la musique et aux autres. 

 

Le corps doit réapprendre à trouver son chemin lui-même, lui imposer des formes rigides ne ferait  que  l’étouffer et le rigidifier. Avec l’équilibre en mouvement, j ’ai  pu  entrer dans un espace plus grand.

 

J’ai appris à élargir mes perceptions et mes sensations, à vivre le mouvement depuis l’intérieur

du corps et de le développer - grâce à la pratique du souffle plus loin que  moi-même. Lors de l’échauffement, chaque mouvement se pratique et se vit  selon les besoins du moment comme dans une sorte d’auto-massage improvisé. Dans cette démarche, les mouvements du corps sont toujours accompagnés de la respiration. 

 

La logique des déplacements d’une position  à l’autre se dynamise dans une sorte de langage naturel mais toujours accompagné de la conscience respiratoire. C’est un long travail, je me rends compte. Pourtant, j’ai du plaisir,  je m’adapte et je joue... 

 

Progressivement, je retrouve le plaisir de danser surtout en cessant de réfléchir seulement à ce

qui ne va pas... Mon corps s’articule mieux mais il me fait aussi ressentir ses blocages. Des douleurs anciennes reviennent et se réchauffent. Je suis moins tendue, je fais moins d’efforts inutiles pour arriver à meilleur résultat.  

 

La vie revient dans les moindres replis de mon être et de mon corps. Une  chaleur étonnante  

se dégage depuis l’intérieur. Je ressens bien mes difficultés à respirer librement  mais quand l’énergie est dirigée dans la bonne direction cela me donne ainsi qu’à tout le groupe

une meilleure respiration. 

 

On partage avec les  autres  la joie de danser. Chacun y trouve sa place, son espace et son rythme... Des rires apparaissent, on se détend, on baille, on danse, on joue mais sans perdre 

le fil  ou la présence à ce que l’on est, à ce que l’on fait et aussi aux autres.  Malaïka nous guide  sans s’imposer. Elle nous emmène en voyage dans une forme fluide mais aussi très stable. Nous devrions tous rencontrer des gens comme Malaïka pour sortir de nos ornières

et de nos clichés. 

Charlotte (danseuse contemporaine professionnelle)